Juan Belmonte a prédit qu' »un jour viendrait un torero qui tuerait 90% des taureaux », et non pas un mais deux. Le premier est né à Cordoue, il s’appelait Manolete et il était le IV calife de la tauromachie de Cordoue, et le second est né à Chiva (Valence), il s’appelle Enrique Ponce et il est professeur de tauromachie.

Manolete a changé la tauromachie, consolidé le lien entre les cols, introduit de nouvelles formes et concepts, lui a permis d’abattre presque tous les taureaux (naturellement ceux qui abattent ces taureaux). Il était un innovateur, plutôt qu’un révolutionnaire, car il n’avait pas l’intention d’éliminer ce qui précède. Il peut être considéré comme le père de la modernité taurine.

Mais la tauromachie, comme tout dans la vie, a continué d’évoluer et actuellement les taureaux et les tâches requises sont très différents, car le public et les personnalités l’exigent (comme cela a toujours été le cas). Les taureaux sont tenus de charger de manière humiliante, avec une course, avec classe et aussi de durer de nombreuses béquilles. Le taureau actuel doit être un grand athlète, capable de supporter 30 béquilles par le bas et une course en courbe de 3-4 mètres. La quasi-perfection est exigée des toreros, l’accrochage n’est pas toléré, et il faut aussi attacher les béquilles.

Le maître Ponce, doué d’une intelligence supérieure pour la tauromachie, parvient à abattre presque tous les taureaux. Évidemment toutes ses tâches ne sont pas 30 béquilles, traîner la béquille et casser le taureau, car tous les taureaux ne peuvent pas le supporter, et justement son succès réside dans le fait qu’il sait donner à chaque taureau son combat, faire à chaque taureau son tâche, n’exiger que ce qui peut l’être, amener les autres à leur hauteur, et même les relever si nécessaire. Ainsi il les met sur la béquille et les fait courir après, comme hypnotisés, avec l’illusion de l’attraper.

Pour ne donner qu’un exemple, lors de la corrida du 11 octobre 2017 à Saragosse, personne n’aurait imaginé qu’il pourrait créer le désordre qu’il a causé à son deuxième taureau (quatrième de la corrida) lorsqu’il a pris l’épée et la béquille, parce que le taureau n’avait montré aucun signe qui l’annonçait. Mais c’est qu’il l’a fait à plusieurs reprises tout au long de ses presque 28 ans en tant que torero.

Les taureaux, les toreros, la tauromachie en général continueront d’évoluer pour s’améliorer, et de nouveaux génies viendront, car un si grand art, si sublime, si profondément enraciné dans le peuple espagnol, résistera aux attaques de la tauromachie payante et anti -système, de politiciens totalitaires et de corridas sans scrupules.

Rafael Comino Delgado